Le lendemain matin, les Légendaires prirent leur petit déjeuner dans une des salles à manger. Le silence à la table rendait l’ambiance dans la pièce si tendue et gênante qu’ils devaient se forcer à avaler leur nourriture. Après le repas, ils se rassemblèrent dans les quartiers de Danaël, où le chevalier fit face à ses camarades tandis que les autres le dévisagèrent, attendant d’entendre ce qu’il avait à dire.

-Je suis désolé, s’excusa ce dernier avec une voix coupable en baissant la tête. Ses compagnons ne dirent rien et le regardèrent simplement. Pourquoi vous ne dites rien?

Razzia pencha sa tête légèrement vers le côté.

-Oh, ze ne zais pas... peut-être parze que tu nous as menti pendant 10 ans!, répondit-il en levant le sourcil. L’expression de Danaël s’empira.

-Tu as remis en question toute notre amitié avec ta révélation... pourquoi ne nous as-tu pas fait confiance avec ton secret?, demanda Gryf déçu. Toutes ces années que nous avons passé ensemble n’étaient-elles pas suffisantes pour te prouver notre valeur??  

-Voyons, tu sais que ce n’est pas vrai, Gryf!, tenta son meilleur ami de le rassurer. Vous êtes les meilleurs compagnons que j’aie pu demander. Je ne vous échangerais contre personne d’autre!

-Alors pourquoi as-tu menti?, demanda cette fois Ténébris. Danaël devint muet. Le silence écœurant de la pièce le rendait nauséabond et il avait de la misère à se tenir droit. Mais malgré le poids lourd qui se reposait sur sa conscience, Danaël réussit à maintenir sa position. Avec de la sueur coulant de son front, il avala sa salive et prit une grande respiration.

-Tout ce que je peux dire est que... je suis vraiment désolé, finit-il par dire en s’inclinant vers l’avant d’un ton désolé. Les autres le regardèrent avec des expressions durcies.

Après un bon moment, la culpabilité et la sincérité que portaient ses paroles avaient l’air de faire leur effet car leurs expressions semblaient un peu finalement s’adoucir.

-On te croit... pour le moment, lui dit Razzia avec une expression neutre. Zuzte, plus de zecret z’il te plaît.

-Compris..., promit Danaël à tête baisser.

-Vaudrait mieux..., marmonna Gryf avec les bras croisés.

Jadina observa la conversation de côté. Les postures de ses amis étaient normales et leurs tons de voix ne trahissaient aucune animosité. Par contre, elle pouvait sentir la tension flottant dans l’air... Voyant comment ses amis réagissaient après un tel tumulte dans leur amitié ne lui inspirait pas grand espoir pour le futur. Mais cela n’avait pas d’importance. Ils devaient renouer leur lien car un destin plus sombre leur attendait. Jadina décida d’entrer dans la scène.

-Peut-être vaut-il mieux qu’on se concentre sur autres choses, proposa Jadina en posant sa main délicatement sur l’épaule du chevalier. Ce dernier lui lança un regard soucieux.

-Ah oui!, se rappela soudainement Razzia. Émi nous a révélé pleines d’autres chozes après que tu zois partie te repozer! Nous devons te rattraper...

-Je suis déjà au courant, répondit cette dernière en le coupant. Danaël est venu tout me raconter la nuit dernière dans... ma chambre..., continua Jadina en rougissant un peu. Le blondinet fit de même en raclant sa gorge.

Ténébris haussa le sourcil en leur donnant un regard particulier.

-Il t’a tout raconter... dans ta chambre, tu dis?, répéta-t-elle avec un petit sourire.

-O-oui..., dit Jadina. Elle était devenue rouge comme une tomate.

-La nuit dernière était plutôt froide. Ça a dû être une conversation animée si tu es si rouge, la taquina Ténébris avec un petit rire. La tête de Jadina explosa d’embarrassement.

-Sérieusement, Ténébris..., lui lança Gryf avec une mine renfrognée alors que Razzia les regarda confus, long à la détente.  

-Hem! Quoi qu’il en soit, Jadina a raison. Nous avons des choses plus importants à discuter, interrompit Danaël en sortant un coffret en bois de l’armoire. Il l’ouvrit pour révéler la boule d’Éclis que lui avait remis le mage Timothé. En commençant avec ceci!

La boule de cristal scintillait sous la lueur du soleil pénétrant par la fenêtre. Le reflet qu’elle dégageait était hypnotisant.

-Depuis que ma magie s’est réveillée, je n’arrête pas de ressentir cette sensation bizarre au profond de mon corps... comme si quelque chose bougeait à l’intérieur de moi, s’exclama Danaël en frissonnant.

-C’est probablement ta magie qui essaye de s’évacuer de ton corps, expliqua Jadina. Après tout, elle était prisonnière pendant plus de vingt ans dans ton corps!

-Oui et ça m’amène à mon deuxième point : pourquoi est-ce que quelqu’un voulait obturer ma magie pendant toutes ces années? Une magie que moi-même je n’étais pas au courant et que seule la famille royale et mon propre frère semblait être au courant..., continua-t-il. Il cracha pratiquement lorsqu’il mentionna son frère. Jadina put sentir le sentiment de trahison que le chevalier ressentait envers le commandant.

-As-tu par chance parlé avec Ikaël à propos de tout ça?, demanda Gryf avec précaution.

-Non... et je ne suis pas pressé de le faire!, répondit le chevalier en serrant le coffret dans ses mains. Voyant qu’il faisait une mine, le jaguarian laissa tomber l’affaire. En tout cas, cette magie est quelque chose dont je voudrais rechercher plus...

-Selon le maze Timothée, le clan dont tu zembles être le dezendant de vivait proche d’Orchidia, alors ze crois qu’on devrait aller au royaume d’Orchidia pour en zavoir pluz zur ta mazie et ze qui est arrivé à ta mère, proposa Razzia en réfléchissant.

Le moment que Jadina entendue le mot Orchidia, un sentiment de terreur l’envahit instantanément. La sueur recouvrait sa peau alors qu’elle trembla sans arrêt.

-Ah oui? Tu crois qu’on pourra...

L’ex-princesse se rappela soudainement ce qu’elle avait oublié la dernière fois qu’Orchidia lui était venu à l’esprit... sa mère... la maladie... le lerdamer! Sa mère avait été atteinte du lerdamer dans sa vie antérieure et si sa mémoire était bonne, sa mère était déjà malade dans cette chronologie aussi! Aussitôt qu’elle s’en rendit compte, un déluge de souvenirs de sa vie antérieure inonda son esprit et elle s’effondra sur ses genoux. Sa tête était tellement chaotique qu’elle n’arrivait plus à décerner la réalité contre sa mémoire. Tout ce qu’elle pensait était comment elle avait pu oublier un détail aussi important!!!

« Comment ai-je pu oublier ça?!? »

Remarquant finalement leur ami dans son état précoce, les Légendaires se précipitèrent à ses côtés.

-Jadina! Est-ce que ça va?!, demanda Danaël inquiet en le prenant dans ses bras pour la réconforter.

-O...oui..., parvint-elle à balbutier en massant son front. Son visage était entièrement recouvré de sueur et elle avait le vertige. Je... je vais bien...

En voyant son compagnon dans cet état, Razzia se rendit compte soudainement de ce qu’il avait dit.

-Oh! Zadina, pardonne-moi! Ze n’ai pas bien réfléchi à mes mots! Tu dois touzours avoir des mauvais souvenirs de ton royaume natal depuis que tu as été banni..., s’excusa aussitôt le colosse avec un air plein de regret.

-Ce n’est rien Razzia...

-Attend... Jadina est bannie d’Orchidia? Je croyais qu’ils avaient juste retiré son titre de princesse, demanda Ténébris curieusement.

-Ce qui est l’équivalent d’un bannissement... ton point?, souligna Gryf en haussant le sourcil. C’était vraiment dur pour Jadina après étant expulsé de son royaume! Elle a dû s’installer dans une vieille maison dans les montagnes à cause de cela...

-Oh là là! La pauvre! Imaginez vivre dans une maison comme une paysanne avec une vie simple, comparé à une demeure sombre située sur une montagne de lave où vole des dizaines de gardes volantes qui peuvent te friser avec leur salive! Beuuuuuh!!, commenta Ténébris dramatiquement.

-Mais qu’est-ce qui te prends ces temps-ci, Ténébris? T’es de plus en plus insupportable!, grogna le jaguarian à bout de nerfs. Il se jeta sur elle, mais avant qu’il ne pût la prendre par le col, ils entendirent un petit hennissement. En se retournant, ils virent Jadina rire de bon cœur.

-Tu disais?, demanda Ténébris à Gryf avec une expression suffisante.

-Hahahaaaa... Snif!... Merci de vous inquiéter pour moi, mais je vais mieux maintenant..., les rassura cette dernière en séchant une larme. Elle regarda Ténébris avec des yeux reconnaissants en se relevant, qui lui donna un petit clin d’œil.

-Jadina, si tu ne veux pas retourner chez toi, tu n’y es pas obligé. On trouvera un autre moyen pour rechercher mes nouveaux pouvoirs magiques, expliqua Danaël avec une voix réconfortante.

-Je sais et merci pour ton inquiétude, mais je vais devoir passer de mes appréhensions un jour aussi... Si mon chez-moi est le seul endroit où l’on pourra trouver des réponses à propos de tes nouveaux talents, alors on ira à Orchidia!, déclara Jadina d’un ton sûr. Sa détermination sembla convaincre ses amis.

« De toute façon, mes parents me manquent un peu aussi... La maladie de ma mère sera une autre affaire à régler dans cette vie! »

-Ouais! Za zent l’aventure!, s’exclama Razzia excité. L’ambiance de la pièce se réjouit à l’idée d’une nouvelle aventure. Jadina commença aussi à se sentir excité pour la première fois après des semaines déprimantes.

-Désolé de jouer au rabat-joie, mais on ne pourra pas quitter Larbos pour un bon moment... à moins que vous vouliez me laisser ici seule et partir vous-même bien sûr, annonça Ténébris soudainement, brisant l’atmosphère joyeuse. 

-Hein? Pourquoi donc?, demanda Jadina confuse.

-Ma pu-ni-tion!

-Oh, mince! J’avais complétement oublié... il est temps de rendre une petite visite à notre chère princesse larbosienne alors!

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-COMMENT ÇA, DES MOIS?!?!, hurla Jadina en frappant la table avec fureur.

-Sigh... Oui. Malheureusement, la fille de Darkhell a été condamnée à la peine de travaux forcés et doit assister aux constructions des endroits détruits par l’attaque d’il y a un mois jusqu’à sa finition, répondit Émilyne avec un air fatigué. Est-ce que c’est pour ça que vous êtes venus ici me déchirer les tympans si tôt dans le matin?

La princesse larbosienne était installée derrière son bureau, griffonnant sur des documents importants alors que les Légendaires se tenaient devant elle, contrariés par le châtiment de leur compagnon.

-Mais allez, zoyez zympa enfin! Ténébriz ne peut pas rezter ici juzqu’à la fin des travaux! Za rizque de prendre pluzieurs mois, même plus d’un ans!, supplia Razzia. On ne peut pas rezté izi pendant des mois à attendre après elle!!

-Je suis désolée, c’est hors de mon contrôle. Ce sont les ordres du roi, expliqua Émilyne en prenant une gorgée de son café. Mais rien ne vous oblige de rester ici. Vous aviez été pardonnés de tous vos crimes, alors vous pouviez partir...

-Vous voyez? Je vous l’avez dit!, dit Ténébris en soupirant.

-On ne partira pas sans Ténébris!, dit Jadina vexée en l’ignorant. Ne peut-on pas implorer la clémence auprès du roi Larbosa pour diminuer le temps de sa punition?

-Je le déconseille fortement car le roi a déjà été charitable en ne vous punissant pas, les avertit la princesse larbosienne qui commençait à frustrer. Demandez plus risque d’aggraver la situation de votre ami!

-Mais il doit y avoir une autre solution!

-Jadina, calme-toi..., essaya Danaël de l’arrêter en voyant le regard d’impatience sur le visage d’Émilyne.

-Mais enfin Danaël! On ne peut pas les laisser-

-RAAAAAAAAH!!!, cria la princesse en posant bruyamment sa tasse et se levant brusquement de sa place. MAIS QU’EST-CE QUE VOUS ME VOULEZ, BON SANG??  

Jadina rétrécit à son cri et recula d’un pas. Les autres Légendaires étaient interloqués par sa réaction violente. Voyant leurs expressions craintives, Émilyne réalisa ce qu’elle avait fait et se recomposa immédiatement.

-Ugh... pardonnez-moi..., s’excusa-t-elle en s’effondrant dans sa chaise découragée. Je suis juste tellement occupée ces derniers temps surveillant les reconstructions des édifices endommagées. Mon oncle m’a mis en charge du budget et d’assurer que les travaux progressent bien, expliqua-t-elle en se mettant contre le dos de sa chaise. Je suis épuisée!

-Oh... je suis désolée Émi... je ne me suis pas rendue pas compte du nombre de responsabilités que tu as..., s’excusa Jadina à son tour honteuse.

Danaël tassa Jadina de côté doucement et se mit en avant pour parler à son tour.

-Pardonne-les Émi! Ils sont encore secoués par tout ce qui s’est passé ces temps-ci!

Cette dernière soupira.

-Ce n’est rien... ce sont juste ces rapports qui me rendent dingues!, se plaignit-elle énervée. Selon eux, les travaux avancent lentement à cause du manque de main d’œuvre! À ce rythme, les constructions ne vont pas être finis à temps pour le Festival!

-Oh non!, s’exclama Danaël attristé par cette nouvelle, alors que les autres se regardèrent confus.

-Euh... pardonnez-moi, mais c’est quoi ce festival dont vous parlez?, demanda Gryf.

-Oh mon dieu! C’est une des traditions les plus anciennes de notre royaume!, répondit le chevalier avec joie. Le Festival des Lumières est une fête qui célèbre la fin de l’été et se déroule à la fin de la saison. Elle commence tôt dans l’après-midi et continue tard dans la nuit. La ville entière est décorée avec pleine de guirlandes lumineuses qui illuminent les rues nocturnes remplies de stands de nourriture et des bibelots ainsi que des activités pour tout monde!

-Oh oui... on illumine les rues pour accueillir les esprits qui viennent avec l’arrivée de l’automne, continua Émilyne avec nostalgie. C’est toute une célébration! Je me souviens du temps lorsque moi et toi courions dans les rues animées et Ikaël devenait inquiet en nous recherchant dans la foule! Hahaha! C’était le bon vieux temps...

Émilyne regarda à Danaël pour voir s’il partageait le même sentiment de nostalgie qu’elle, mais à la place d’un sourire, le chevalier faisait une mine. Après quelques secondes de réflexion, elle réalisa ce qui aurait pu le mettre de mauvaise humeur.

-Danaël... as-tu eu la chance de parler avec Ikaël à propos de...

-Non!, répondit-il aussitôt sur commande. Émilyne frémit presque devant sa réponse rapide.

-Quand même... tu devrais en parler avec lui... il est ton grand frère après tout.

Danaël ne dit rien cette fois, mais son visage montrait qu’il n’était pas vraiment ouvert à l’idée. De l’autre côté, Jadina réfléchissait à une solution pour résoudre leur énigme actuelle. Temps que les réparations n’aient pas été terminées, Ténébris était coincé dans la capitale et il était hors de question de la laisser ici tout de seul. De plus, il y avait l’affaire du festival qui semblait tenir une grande place dans les cœurs des citoyens du royaume. Elle ne pouvait que sentir une certaine culpabilité puisqu’ils avaient une part de responsabilité derrière les dommages. Plus elle y pensait, seule une solution lui venait à l’esprit. Elle se retourna d’un pas sûr vers la princesse larbosienne.

-Émi, tu as dit que les travaux allaient lentement dû à un manque de main en œuvre, correcte?, demanda Jadina pour s’assurer.

-En effet, répondit cette dernière un peu confuse par la question.

-Et tant qu’ils ne seront pas terminés, Ténébris ne peut pas quitter Oroban?

-Non.

-Alors, suppose que les réparations se terminaient plus vite que vous ne l’espérez, deviendrait-elle libre après?

-Je suppose... le décret royal ne citait que seule lorsque tout était rétabli en ordre, que la prisonnière est libre de partir...

Jadina sourit à la confirmation qu’elle cherchait. En voyant son expression, Émilyne vite compris où elle en venait.

-Et bien, la solution est simple, déclara Jadina avec un grand sourire. Engagez-nous comme ouvriers!