C’était une belle journée ensoleillée et le vent soufflait paisiblement dans la capitale, faisant danser quelques feuilles joyeusement dans le ciel bleuté. Il était encore l’été, mais la température commencer déjà à se rafraîchir alors que la fin de la saison s’approchait. Jadina était assise dans sa chambre derrière une petite table ronde près de la fenêtre ouverte, profitant de la brise provenant de dehors. Elle avait décidé de continuer ses formalités administratives en paix dans ses quartiers pour le moment afin d’éviter les nobles dans le bureau des Affaire Internes. Elle avait réalisé qu’elle pouvait mieux se concentrer sur son travail sans souffrir des regards scrutateurs des ministres de haut rang... En vérité, c’était plutôt Marilène qu’elle voulait éviter le plus. Depuis leur conversation la semaine dernière, la Légendaire n’était pas vraiment sure comment la confronter. Jadina aimait bien Émilyne comme une amie et elle était reconnaissante pour toute l’aide que cette dernière leur avait offert, mais la seule raison pour laquelle Jadina était si gentille avec la princesse était pour quitter le royaume de Larbos au plus vite possible! Jadina n’était pas fière de ce qu’elle faisait, surtout le fait que son comportement ‘manipulateur’ lui rappelait de celui de Kalandre. Traitant les autres avec bonté avant de les rejeter complétement après avoir extrait ce qu’elle voulait d’eux...

Rhaaaa! Rien que de penser à cette sale manipulatrice rendait Jadina folle de rage qu’elle bondit sur son lit et commença à frapper son oreiller brutalement. Après une brève séance de thérapie par oreiller, ella s’effondra dessus fatiguée et s’étendit là pendant quelques minutes en regagnant son calme.

« Bon, ce n’est pas le moment de perdre la boule. Rappelle-toi du vrai ennemi ici... », se rappela-t-elle en regardant au plafond. En se recomposant, Jadina se leva pour se remettre au travail... mais même pas une minute après qu’elle s’était assise, des cris venant du couloir la fit sursauter de sa chaise et tomba sur le plancher. Elle lâcha un cri de douleur. Mais qu’est-ce qui se passait dehors? Jadina se releva avec difficulté et se dirigea vers la porte en massant son derrière. Au moment qu’elle traversa le seuil de la porte, une nouvelle série de cris la fit sursauter de nouveau et cette fois, elle les reconnut.

« Oh non, ne me dis pas... », pensa Jadina en courant vers le couloir principal.

À son grand dam, elle fut accueillie par ce qu’elle craignait : Danaël et Ikaël s’étripant comme des enfants de six ans! Leurs cris résonnaient si fortement à travers le palais royal qu’ils avaient réussi à attirer une audience de domestique. Ces derniers observaient le spectacle tout en chuchotant entre eux alors que les deux frangins continuaient leur bagarre sans aucune gêne.

« Mais c’est pas vrai! C’est la troisième crêpage de chignon cette semaine!! », se dit-elle en serrant le poing en colère. « Quand est-ce qu’ils vont arrêter de se chamailler? Je comprends que Danaël soit toujours fâché contre son frère pour lui avoir caché le secret de sa naissance, mais ce n’est ni le moment ni l’endroit pour ce comportement déplorable! De plus, je ne croyais pas que le Commandant de Faucon d’Argent engagerait dans ces enfantillages aussi!!! Ils ne font que semer la honte... », continua Jadina son monologue interne en pinçant entre les sourcils, découragée.

-Je te l’ai déjà dit, je n’ai rien à te dire!!, s’exclama Danaël avec fureur vers son frère.

-Je sais que tu es en colère contre moi, mais puisque je te dis que j’avais mes raisons!, répondit ce dernier en attrapant son bras. Laisse-moi t’expliqu-

-Lâche-moi!, répliqua le chevalier immédiatement en se libérant de son emprise. Des ‘raisons’ tu dis? Ha! Elle est bien bonne! Toute ma vie, tu m’as dit de ne suivre que tes ordres sans les questionner parce que c’était ‘la chose appropriée à faire’ ou parce que c’étaient ‘les ordres du roi’! Et maintenant tu me dis que tu avais des BONNES RAISONS??

-BAISSE TA VOIX!, lui hurla Ikaël dessus enragé pas ses affirmations. Nous sommes au palais royal, tu ne peux pas dire n’importe quoi!

« Ah ouais? Alors pourquoi est-ce tu continues à participer dans cette discussion enfantine? », pensa Jadina à bout de patience en prenant un pas devant pour mettre un terme à cette dispute ridicule.

-N’importe de quoi?! C’est toi qui n’arrêtes pas de-

-J’interromps quelque chose?, dit soudainement une voix douce, ce qui halta Jadina sur place. Les deux frères s’arrêtèrent brusquement et tournèrent leurs têtes lentement vers la source de la voix.

-ÉMI?!?!, s’exclamèrent-ils avec surprise en voyant la princesse larbosienne les dominant de derrière. Elle les regardait avec un grand sourire, mais sa posture tendue avec ses bras croisés laisser croire à autre chose...

-É-Émi, pendant combien de temps étais-tu là...?, balbutia Danaël embarrassé.

-Assez longtemps pour entendre te plaindre de quelque chose par rapport aux ordres de mon oncle je crois?, répondit-elle en jouant aux innocents. Danaël rétrécit de honte.

-Pardonnez-nous pour la scène que nous avons causé votre Altesse, s’excusa Ikaël en faisant la révérence devant Émilyne. Ça s’était le commandant que Jadina reconnaissait. Mais l’arrivée soudaine d’Émi l’avait surprise un peu. D’où sortait-elle? Derrière elle se trouvait aussi Marilène, toujours aussi stoïque et raffinée. Les mots de cette dernière continuaient toujours à mariner dans la tête de Jadina, ce qui l’empêcher d’avoir du courage à approcher le group. Elle décida de rester dans un coin du couloir et d’écouter leur conversation en secret.

-Qu’étiez-vous en train de faire? On est dans le palais royal, pas dans le marché de la ville! Vous ne pouvez pas agir comme vous le voulez ici!, les réprimanda la princesse larbosienne contrariée.

-On est vraiment désolé Émilyne, s’excusa de nouveau Ikaël en s’inclinant vers l’avant. Tout ce que je voulais était de parler, mais cette imbécile n’a commencé qu’à beugler comme un culbutar, expliqua-t-il en lançant un œil de côté à son frère.

-Hé! C’est toi qui n’arrêtes pas de me piéger partout dans le palais depuis plusieurs jours comme un félinaure guettant sa proie!, rappliqua le blondinet énervé.

-C’est parce que tu m’évites à chaque fois que je t’appelle!

-Comme je te l’ai dit dix mille fois, je n’ai rien à te dire! Alors arrête de m’harceler et laisse-moi tranquille!!

« Et c’est partie pour une autre heure de querelle... », soupira Jadina.

Mais on dirait que les craintes de la Légendaire n’allait pas s’exaucer vu l’air irrité qui entourait Émilyne.

-Oye, vous avez finit les frangins?, les fit finalement taire la princesse avec une expression fâchée. Les garçons tressaillirent avec des expressions pâles. Émilyne se calma un peu avec une grande respiration avant de continuer. Bon, puisque vous n’arrivez pas à résoudre vos problèmes avec vos mots, essayez... avec vos lames!!!

« Hein? »

~~~

« Comment est-ce que je me suis retrouvée dans cette situation?! », pensa Jadina stupéfiée alors qu’un domestique lui versait une limonade fraîche sous une parasol. Elle et Émilyne était assise au bord du terrain d’entraînement ensoleillé, assistant à un combat animalier entre deux frères très enragés.

-J’espère que ta boisson te plaît bien, dit la princesse en souriant. Elle était assise confortablement au frais à côté de Jadina sous un autre parasol avec ses jambes étirées sur sa chaise longue, sirotant sa propre limonade calmement alors qu’un combat féroce faisait ravage devant leurs yeux.

-Aha, oui..., répondit Jadina avec son propre sourire. Par contre, elle se sentait plus accablée que relaxe. Malgré l’air charitable qui émanait d’Émilyne, Jadina trouvait sa perspicacité terrifiante. Après tout, elle avait remarqué la présence de la Légendaire durant la dispute dans le couloir et puis l’avait invité à regarder le duel comme si de rien n’était.

« Honnêtement, je commence à voir pourquoi elle avait été choisie pour succéder au trône... »

Mais il y avait autre chose qui préoccupait la Légendaire. Bien que Danaël était un épéiste expert, il était tout de même toujours blessé et elle pouvait voir la fatigue qui commençait à l’envahir. Est-ce qu’un duel était vraiment idéal pour résoudre leurs différends?

Voyant l’expression troublée de sa compagnie, Émilyne se tourna de nouveau afin de s’assurer qu’elle allait bien.

-Est-ce que ça va? Si la chaleur est beaucoup trop, je peux demander aux serveurs d’ajouter plus de glace dans ton verre, demanda-t-elle inquiète.

-Non, non, ça va..., répondit Jadina en souriant malgré la sueur qui coulait de son front.

-Bien..., commença Émilyne, mais soudainement, ses pupilles allèrent de côté, l’alertant de quelque chose. Aussitôt, elle poussa Jadina vers l’arrière par la poitrine alors qu’elle se pencha elle-même vers l’arrière aussi. Avant que la Légendaire put dire quoique ce soit, une pierre passa entre les deux filles à toute vitesse dans les airs. Jadina laissa échapper un cri en perdant son souffle momentanément.

-NON, MAIS C’EST PAS VRAI!!, s’écria cette dernière en se recomposant. Vous pouvez pas bien faire attention un peu, vous deux?!?

Mais les garçons étaient trop absorbés par leur combat pour prêter aux filles.

-Laisse-les, ils ont beaucoup à se dire..., dit la princesse triste en se redressant, ...après une décennie de séparation...

~~~

Devant eux, une tension terrifiante hantait le champ de bataille. Danaël venait à peine de parer une attaque de son frère, lui causant de glisser vers l’arrière avec une main à terre alors que l’autre tenait son épée. Ils avaient décidé d’utiliser les lames standards de la garde royal pour faire jeu égal. Le chevalier respirait profondément alors qu’il était recouvert de sueur. Il pouvait ressentir les battements forts de son cœur résonner dans son corps entier et ses membres commençaient à trembler par la fatigue. Ses blessures encore en guérison le ralentissait, mais son esprit embrouillé par les événements des derniers jours ne l’aidait guère.  Découvrir qu’il avait été manipulé par une étrangère était une chose, mais de savoir que son propre frère était en réalité son demi-frère?! Déjà que leur relation était très tendue, cette vérité n’arrangeait pas les choses. Coincé dans cette colère cancéreuse, il ne pouvait que résister aux avances d’Ikaël car ce qu’il avait souffert était la trahison ultime selon lui.

De l’autre côté du terrain, le commandant tentait de se recomposer aussi après avoir échanger quelques coups d’épée. La chaleur du soleil pesait lourdement sur les frères, amplifiant la colère qu’ils ressentaient l’un vers l’autre. Comment pouvait-il agir comme un gamin de cinq ans? Après tous les sacrifices qu’il avait fait pour assurer la survie de sa famille après la mort de leur père. Il était vrai qu’il était parfois obligé à ignorer ses valeurs familiales pour obéir à son devoir en tant que jeune commandant des Faucons d’Argent, mais ce n’était pas par méchanceté! Pourquoi Danaël ne voyait-il pas tout cela? Il y avait des raisons derrière toutes ses actions, toutes ses décisions et... tous ses secrets. Bon, il pouvait peut-être comprendre un peu la colère que son petit frère arborait envers lui. Après tout, il lui avait caché une très grosse vérité pendant toute sa vie... mais si seulement il pouvait rester tranquille pendant une seconde, il pourrait tout lui expliqué! Ikaël observait son frère quasiment au sol haletant énormément et ressentit un pincement de pitié pour lui.

-Danaël, allons! Arrêtons ce duel inutile et parlons, lui supplia le Faucon d’Argent. Mais ses mots semblaient plutôt frapper un mauvais nerf et le fâcha encore plus. Le chevalier bondit soudainement à toute vitesse sur le commandant, épée en avant. Le roux dû déplacer son centre gravité rapidement pour bloquer l’attaque surprise.

-Qu’y-a-t-il frérot? Déjà fatigué?, se moqua Danaël de lui alors qu’il pesait sa lame sur la sienne.

-Arrête ces enfantillages, bon sang! Ça tient plus!, rappliqua Ikaël en le poussant hors de lui.

-Ce qui ne tient plus est ton arrogance où on doit toujours suivre tes décisions sans jamais te préoccuper des sentiments des autres!, riposta Danaël en rattrapant sa balance.

-Appelle-le ce que tu veux, j’ai toujours basé mes décisions sur le bien-être de notre famille, tu le sais bien! De tout façon, je n’ai jamais eu besoin de me préoccuper des autres parce que tu semblais parfaitement confortable à faire qu’à ta tête!!, rappliqua Ikaël offensé par l’accusation.

Le commandant para une nouvelle attaque du chevalier, verrouillant leurs épées dans une position croisée au sol, les deux hommes penchés devant l’autre.

-Savoir que nous avons deux mères différentes est un très grand secret à garder mon cher, quelle que soit la raison, réclama Danaël. Tu m’as toujours fait croire que ‘notre mère’ était morte me mettant au monde, mais maintenant que je vois que tout ceci n’était qu’une ruse pour cacher mes pouvoirs, n’est-ce pas? T’étais toujours jaloux de moi depuis notre enfance car j’étais mieux à l’épée que toi! Quoi? Tu ne voulais pas que je t’humilie avec de la magie aussi?, continua-t-il avec un ton moqueur.

-Ne dis pas n’importe quoi Danaël! Tu es devenu l’épéiste que tu es aujourd’hui grâce à mes enseignements au sein de l’armée, répondit Ikaël exaspéré par que ce qu’il entendait. Tu étais en route pour une belle carrière chez les Faucons d’Argent! Rappelle-toi que c’est toi qui as tout jeté!

Le Légendaire se retira de l’impasse et fit son dos à son frère.

-Oui, c’est vrai... je n’ai jamais craint d’être moi-même quand il s’agissait de la justice, expliqua Danaël en regardant au ciel avant de se retourner en pointant le bout de la lame vers son grand frère, yeux emplis de colère. Entre nous deux, il semble que j’étais le seul à prendre notre devise au sérieux : ‘Vérité et justice pour tous!’ Ça te rappelle quelque chose?

-Oui, je m’en rappelle très bien vu que j’y suis le commandant!, lui dit Ikaël. Les belles paroles son bien et nobles, mais la réalité est bien plus sombre, spécialement la vie au palais royal! Je suis un soldat avant tout et il est mon devoir d’obéir mon souverain, quelques soit les conséquences! Alors, désolé si mon action semble un peu dépassée pour toi, mais moi je ne m’enfuis pas de mes responsabilités!

-Ah vraiment?, dit Danaël avec un regard irrité et lança une attaque, ce qui causa un enchaînement de plusieurs coups rapids entre les frères. Parce que si je me rappelle, c’est bien toi qui nous avais ordonné de lâchement se retirer il y a 10 ans lorsque l’armée de Darkhell avait réussi à capturer la princesse d’Orchidia!

-C’était les ordres du roi, je ne pouvais rien y faire!, tenta Ikaël de s’expliquer en maintenant sa position.

-C’est n’est pas parce que notre supérieur l’ordonne qu’on doive obéir à la lettre idiot!

-Si, c’est exactement ce qu’on doit faire en tant qu’armée qui sert la famille royale!

-Si ce n’était pas pour moi de tout jeter, tu crois qu’elle serait assise ici en ce moment?!, cracha Danaël avec colère en pointant vers Jadina.

Ikaël tourna la tête pour voir la Légendaire, qui les observait soucieusement de loin. Le commandant sentit soudainement un sens de culpabilité lorsque leurs regards se croisèrent.

-Et en dépit de tout, tu ne lui as jamais présenté tes excuses pour l’avoir abandonné après toutes ces années alors qu’elle t’as probablement sauvé la vie plus d’une fois en tant que Légendaire!, s’écria le chevalier avec fureur. Il brandit son épée en haut et alla pour un coup mortel, mais le Faucon d’Argent le bloqua heureusement. Tenant leurs épées dans les airs, les deux frères se dévisagèrent avec intensité, respirant fortement à cause de l’adrénaline qui les animaient.

-Danaël, je...

-Tu n’as que ton arrogance et lâcheté pour blâmer tous ce que tu as fait dans ta vie..., continua ce dernier en se rapprochant de la tête de son frère pour lui marmonner dans l’oreille. Une lâcheté qui t’empêche d’admettre tes sentiments pour Émi...

Ikaël tressaillit à ses mots.

-Tout le monde pense que tu n’arbores que des sentiments de loyauté et de respect envers elle en tant que princesse du royaume, mais moi je sais que tu ressens plus pour elle que tu ne le montres, chuchota Danaël avec un sourire moqueur. Le commandant rétrécit en entendant ses paroles. Comment osait-il dire ça?

-A... ASSEZ!, cria-t-il en donnant un coup de genou à l’estomac de son frère, l’envoyant déraper sur le sol.

AUGHH!!!

Les filles lancèrent des bruits de surprise à la scène.

Le Légendaire se releva avec malaise en grondant à la douleur dans son ventre, mais voyant le visage rouge et paniqué de son adversaire lui remonta le moral un peu.

-Hahaa! Pourquoi cette tête mon frère? Ce peut-il que j’ai dit quelque chose que je n’aurais pas dû?, demanda Danaël en rattrapant son souffle.

-J’ai dit assez!!, répéta Ikaël en tremblant de colère.

-Tu vois? Ce n’est pas drôle lorsqu’on trahit la confiance de la famille pour des raisons égoïstes!

-C-ce n’est pas la même chose! Et ce n’était pas pour des raisons égoïstes-

-TAIS-TOI!, hurla Danaël en serrant la poignée de son épée. Il avait beau dit toutes les frustrations qui tourmentaient son cœur depuis des années, sa colère refusait de s’apaiser. La douleur était trop pour lui. Malgré tous obstacles qui s’étaient posée entre nous, malgré nos différentes valeurs qui nous opposaient, j’ai toujours tenu mon respect pour toi, croyant que tu faisais ta part pour le monde et moi le mien...

-Danaël...

- ... MAIS ÇA C’ÉTAIT TROP, MON FRÈRE!!!, cria le Légendaire de tous ses poumons en fonçant droit devant, épée en l’air, sans aucun scrupule pour quiconque se mettait dans son chemin, prenant Ikaël par surprise.

-NOON!!!, hurla Jadina de peur.

« Il va le blessé! », pensa Jadina prête à les arrêter avec sa magie, mais avant qu’elle ne pût faire quoique ce soit, Émilyne bondit de sa place et atterrit avec finesse près des armoiries où elle saisit une épée et se dirigea vers le milieu du terrain. Avec agilité, elle se plaça entre les deux garçons, plaçant sa main vide sur la taille d’Ikaël pour maintenir Ikaël debout et balançant son épée avec l’autre pour intercepter celle de Danaël.

KLAANG!

D’un seul coup, elle frappa l’arme de Danaël hors de ses mains, qui atterrit plus loin au sol. L’atmosphère devint immobile, n’entendant que l’essoufflement des trois sur le terrain. Même Jadina était couverte de sueur en témoignant la scène.

-É-Émilyne..., arriva Ikaël à balbutier à peine, toujours secoué par ce qui venait se passer.

-Émi! Mêle-toi de ce qui te regarde!, le coupa instantanément Danaël contrarié. Ce n’est pas à toi de-

-J’ai essayé de faire exactement cela et voilà ce que ça a donné, répondit Émilyne avec une expression dure. Je voulais vous laisser résoudre ce problème entre frères, mais on dirait que ça va être impossible...

-On était parfaitement en train d’arriver à une conclusion avant ton intervention, riposta-t-il en croisant les bras.

-Je m’en doute... j’imagine que la raison derrière ta colère intense est qu’Ikaël t’a raconté les circonstances derrière la disparition de ta mère, n’est-ce pas?, demanda la princesse en s’adoucissant.

-En quoi ça a rapport...

-Tu te sens trahi, ça je peux comprendre, dit Émilyne en s’approchant du Légendaire et posa sa main doucement sur son visage. Mais cette trahison tige du fait que tu penses qu’elle t’a abandonné, pas de la cachette de ton frère.

Danaël n’était plus capable de garder son attitude froide et ses yeux commencèrent à se remplir de larmes. Voyant son ami d’enfance dans cet état, Émilyne devint émue aussi et le serra dans ses bras, tous les deux s’effondrant au sol en sanglot.

-Je sais que c’est dur d’absorber tout ça d’un coup et aucun de nous n’attendions que tu acceptes tout ça en un jour, lui expliqua Émilyne en larmes. Mais laisse-moi au moins te dire quelque chose que j’espère t’aidera un peu à ménager tout ça : la nuit que ta mère avait quitté Oroban, elle était venue avec Ikaël et toi dans ses bras jusqu’au palais royal tard dans la soirée pour me visiter. Je n’étais qu’un enfant de six ans et ton frère n’avait que dix. Je l’avais à peine connue que pour quelques années, mais je l’adorais comme une mère.

-H-hein? Pourquoi elle vous avait visité si tard?, demanda Danaël confus entre ses sanglots.

-Moi et ton frère étions très confus par cette visite surprise aussi. Elle nous avait dit qu’elle devait urgemment partir de Larbos, mais puisque ton père n’était toujours pas revenu de mission, elle était obligée de vous confier au palais, répondit la princesse. Tu n’étais qu’un enfant de deux ans...

-Exactement, comment ne peux-tu pas appeler ça l’abandon??, s’exclama Danaël vexé. Elle m’a abandonné!

-Hé, je te signal qu’elle était ma mère pendant un certain temps aussi, alors elle m’a abandonné aussi idiot, réclama Ikaël au bout des larmes lui-même.

-Non, non! Elle ne t’a pas abandonné! Bien qu’elle refusât de nous dire la raison derrière son départ soudain, elle t’avait laissé un dernier message en te remettant dans notre soin : « Mon cher enfant, mon cœur saigne au fait que je dois te quitter si tôt dans ta vie. Si ça se tenait qu’à moi, je ne te quitterais jamais! Mais hélas, mon passé semble m’avoir enfin rattrapé et je dois aller l’alléger une fois pour toute... pour ton futur. J’espère qu’un jour, tu trouveras dans ton cœur la force de comprendre mes raisons et de me pardonner pour manquer une bonne partie de ta vie... »

À la fin de son histoire, Danaël était complétement submergé dans ses larmes et sa tête était enfouie dans l’épaule d’Émilyne. Le visage d’Ikaël était aussi mouillé par des larmes qu’il essayait de sécher, mais sans succès.

-Je ne sais pas pourquoi Larima avait ressenti le besoin de quitter Larbos auparavant, mais je peux te dire avec certitude qu’elle avait l’intention de revenir. Alors ne dit plus jamais que tu as été abandonné!, le rassura Émilyne en le calinant.

Leurs cris de tristesse pouvaient être entendus jusqu’à la périphérie du terrain, où Jadina pouvait témoigner de cette scène touchante mais déchirante. Elle était si émue que des larmes commençaient à couler de ses propres yeux. Ces pauvres gens... pendant combien de temps avaient-ils garder ce secret pour qu’il explose ainsi après tout ce temps? Cette vie avait révélé beaucoup de détails qui autrement seraient restés inconnus si ce n'était pas grâce à sa régression. Jadina ne pouvait qu’espérer qu’un meilleur futur les attendait dans cette vie... meilleur futur?

Un sentiment de malaise commença à l’envahir soudainement. Attendez... que voulait dire la magicienne Larima lorsqu’elle parlait d’alléger un passé pour le futur de son fils?