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Fanfictions

Entre Amour et Devoir (Chapitre 2)

Réécriture des Légendaires

 

Partie b

 

Bienvenue à vous pour la deuxième partie d’ « Entre Amour et Devoir » !

La dernière fois, j’avais commencé à vous conter l’histoire de nos origines avec Danaël. Origines qui vont finir par nous mener à la création du groupe des Légendaires, je vous le rappelle.

Vous aviez pu découvrir l’environnement dans lequel nous avions vécu étant enfants. Notre famille, nos aspirations, nos liens, nos habitudes... En résumé, vous aviez pu apprendre un peu à nous connaître et dégrossir de quoi il allait retourner dans cette histoire.

Je vous avais également présenté des personnages-clés tels qu’Ikaël, Astal, Alghar ou encore Saryn. Celle qui était notre Sœur de cœur avec Danaël est pour moi, tout en n’ayant aucune once d’arrogance, la personne la plus importante de cette histoire. Hâte d’en savoir plus à ce propos ?

Vous allez quand même devoir vous armer de patience, car vous ne le réaliserez seulement qu’au fur et à mesure de l’avancée de cette histoire.

Je vous avais donc laissé en suspens après que Danaël se soit retrouvé acculé par une Saryn très en forme, et déterminée à remporter la manche du « Brave Chevalier ». Danaël était maintenant complètement à sa merci et lui mangeait dans le creux de sa main.

Mais qu’allait-elle faire de lui, maintenant ? Comment est censé se finir ce jeu, d’après vous ? Surtout quand le méchant gagne, haha.

 

Danaël resta de marbre. Ses lèvres tremblèrent. Ses yeux prirent du volume sur son visage tandis que ses pupilles, elles, rétrécirent pour communiquer sa peur. À mesure que l’épée de Saryn s’approchait de son visage, sa tête reculait petit à petit. Ses deux Iris convergeaient symétriquement en direction de la pointe en bois de l’épée, et un frémissement parcourut rapidement sa nuque.

La pointe menaçante n’était maintenant qu’à quelques centimètres à peine du nez grelottant à Danaël. L’expression qu’il lui offrit à ce moment-là valait pour Saryn de l’or. Celle-ci commença enfin à entonner en rythme et en joie :

« Perduu !! »

Elle changea aussitôt de posture et décala l’épée de son visage. Une grande fierté pouvait se lire facilement dans son regard, et elle espérait secrètement en avoir mis plein la vue à Danaël.

Elle enleva enfin son masque, laissant apparaître son doux visage parsemé des plus belles taches de rousseur que vous pouviez trouver sur Alysia. Réparties uniformément tout autour de son nez et sous ses yeux, ces dernières accentuaient de manière inexplicable les différents regards qu’elle pouvait vous lancer. Il était ainsi facile de deviner ses émotions, même si un seul froncement de sourcil ou un plissement de ses yeux suffisait à vous faire faire dessus.

En plus de cela, il y avait quelque chose en elle sur lequel je n’ai jamais réussi à poser le doigt. Son regard était comme... Perforant. Quand elle vous fixait, on avait l’impression que celui-ci pouvait vous embrocher à tout instant, comme une lance jetée à toute vitesse. Disons qu’avec elle, La simple pensée de lui cacher ne serait-ce qu’un détail ne vous aurait jamais effleuré l’esprit, croyez-moi...

Quoi qu’il en soit, Elle lui tendit une main amicale pour l’aider à se relever et lui lança un sourire qui, à s’y méprendre, ressemblerait presque à un de ces sourires narquois. Vous savez, ceux qu’on lâche lorsque l’on est tellement fier de nous qu’on ne peut pas contenir sa joie, et qu’on est obligé de l’exprimer à autrui ? Eh bien, c’est exactement ce que Saryn ressentait à ce moment-là.

La satisfaction personnelle ainsi que la fierté dont elle était emplie lui faisaient pousser des ailes, mais pour bénéficier d’une joie pleine et entière, une condition essentielle n’était pas encore remplie : celle de recevoir les compliments mais aussi et surtout l’approbation de son modèle.

C’est alors en quête de sa considération qu’elle prononça innocemment :

« Alors Danaël ? Qu'est-ce que t'en dis ? »

« C'est moi qui jouerai le Faucon d'Argent la prochaine fois !! »

Néanmoins, malgré sa démonstration plus qu’impressionnante, cela ne s’était malheureusement pas révélé suffisant pour lui faire décrocher ne serait-ce qu’un « bravo », ou un simple étonnement. Sa réaction était au contraire bien loin de ce que Saryn escomptait...

Danaël finit par reprendre ses esprits puis se braqua comme un petit enfant qui viendrait à bouder. Ce que Saryn venait de dire lui porta un coup sévère dans son orgueil, à tel point qu’il répliqua sèchement :

« Pff ! Une fille ? Faucon d’Argent ? »

D'un ton néfaste, il rajouta même tout en se redressant seul sur ses fesses et en choisissant d’ignorer sa main tendue :

« Tu rêves éveillée, ma pauvre Saryn ! »

La jeune fillette rousse déchanta aussitôt. Son sourire se dissipa, sa main se baissa presque d’elle-même et son innocente fierté ne laissa finalement place qu’à un sentiment amer de profonde déception. Son cœur se serra dû au mépris qu’affichait alors Danaël à son égard, ignorant complètement que c’était la frustration et une profonde désillusion personnelle qui guidaient les mots de son meilleur ami.

Quant à ce dernier, cette défaite signifiait bien plus qu’une simple partie de jeu perdue, loin de là...

Il faut dire que malgré son jeune âge, le jeu représentait étrangement pour lui un moyen comme un autre de se tester tout en portant sur lui-même un regard d’adulte. Une bonne occasion en soit de juger rigoureusement ses propres capacités et son évolution.

Le contraste avec son âge était d’autant plus frappant selon le cas de figure auquel il faisait face : s’il gagnait, la joie, la fierté mais aussi l’arrogance attendue d’un enfant de son âge se manifestaient avant toute autre chose dans son caractère, d’où le sale tempérament qu’il pouvait avoir parfois.

Si au contraire il était face à une défaite, aussi minime et dérisoire soit-elle, il se persuadait naturellement que ses capacités ne valaient rien, et qu’il ne pourrait jamais atteindre le niveau d’un vrai Faucon d’Argent. Bien entendu, au-delà de ça, il mentionnait spécifiquement le niveau particulièrement élevé de notre frère aîné ainsi que celui de notre père.

Enfin, en vous plongeant davantage dans ce récit, vous serez amené.e.s à saisir vous-mêmes les différentes subtilités et paradoxes qui ressortent de mon jeune Frère.

Toujours est-il qu’il n’avait en aucun cas conscience, à cet instant précis, de la brutalité avec laquelle ses propos avaient secoué violemment Saryn. Ce n’est qu’en y réfléchissant après-coup qu’il se rendit compte à quel point il avait agi d’une manière qu’il ne lui ressemblait pas du tout au fond de lui.

C’est justement dans ces cas-là où son écart impensable entre sa psychologie d’adulte et ses besoins d’enfants entraient en contradiction, et le faisait immanquablement souffrir...

Cette déduction analytique assez poussée n’a toutefois pu être obtenue par Danaël, ou encore moi, que lors de notre passage à la vie d’adulte. Lors de ces évènements, nous étions tous deux convaincus qu’il s’agissait simplement d’un caprice provenant d’un enfant difficile à vivre, même si ça ne lui faisait pas plaisir à admettre.

Et dans la catégorie du mauvais perdant par excellence, il était difficile pour lui de faire mieux.

Néanmoins, cette... Comment dirait-on...

Cette « réplique » me parut de très mauvais goût, et me fit serrer le livre que je tenais dans la main avec une forte irritation. Ce dernier, sans trop savoir pourquoi ni comment, finit malencontreusement par atterrir sur la figure de Danaël, provoquant alors la surprise générale.

Saryn, si étonnée que sa déception lui était brièvement sortie de la tête, se tourna alors vers moi. Elle restait bouche bée, surprise, se demandant ironiquement la raison de ma soudaine agression envers Danaël.

Je m’approchai pour ma part, la démarche lente et un sourire si naturel qu’on en viendrait tôt ou tard à en douter de sa sincérité, avant que je n’affirme joyeusement :

« Quand on est poli, on dit : « Bravo pour ta victoire, Saryn. » ! »

Celle-ci leva timidement une main pour me remercier, et me regarda silencieusement tout en lâchant un sourire gêné. Elle n’eut même pas le temps de répondre à ce malappris que je l’avais déjà devancée. Elle ne tarda cependant pas à me répondre avec gratitude :

« Merci, Tim. »

On put alors entendre derrière elle Danaël se redresser et affirmer d’une voix douloureuse :

« Aïe aïe aïe, mon front...! Pourquoi tu m’as jeté ce livre en pleine figure, Tim ?! »

« Ça t’apprendra la politesse ! » répondis-je en m’écriant vers lui.

Ah oui, avant que j’oublie. Danaël et moi avions pour habitude de nous appeler par nos diminutifs, et nous avons gardé cette habitude au fil du temps.

Danaël, Saryn, et une bonne partie de mes connaissances m’appelaient donc « Tim », tandis que j’appelais quant à moi mon jeune Frère « Dan ».

Ce dernier appuya de ses deux mains et d’une drôle de manière sur la toute petite bosse qui venait à l’instant d’apparaître sur son front. C’est sur sa bonne mauvaise foi qu’il réfuta tout ce qu’il avait dit juste avant en ayant l’arme à l’œil :

« Mais j’ai rien dit euuuuuhh... ! »

Saryn, dans sa bonne humeur habituelle, rigola en cachant son sourire amusé derrière une de ses mains puis m’assura enfin :

« Ça va aller Tim, je crois qu’il a compris la leçon. »

Je me frottai alors l’arrière de ma tête avec joie tout en rigolant brièvement aussi. Dan, qui lui continua d’appuyer sur sa bosse, se sentit délaissé et joua sur sa petite douleur en pleurnichant :

« *Snif* ! Tu m’as fait vraiment mal en plus ! »

Je soupirai alors avant de m’approcher vers lui pour voir s’il n’avait rien. Je m’accroupis à son niveau et examinai de près cette microscopique bosse qu’il avait sur la tête.

Je me relevai enfin après quelques secondes tout en débitant sarcastiquement :

« Fais pas ta petite nature... Ce n’est qu’une petite bosse de rien du tout ! »

Cela ne parvint pourtant pas à le convaincre et il s’apprêtait alors à pleurnicher pour de vrai cette fois.

J’eus par conséquent un air crispé et balbutiai quelques phrases bateau tout en cherchant quoi dire ou quoi faire pour ne pas qu’il se mette à pleurer.

« Mais non, c’est rien j’te dis ! » Déclarai-je désespérément.

Une idée brillante parvint toutefois jusqu’à mon esprit :

« Tu sais quoi ? Tout à l’heure, j’ai surpris Astal en train de cuisiner sa tarte spéciale aux Pomuts. »

« Si tu me promets de ne pas pleurer, je te passerai ma part. OK ?»

Les Pomuts sont des fruits de forme circulaire qui poussaient abondamment dans la région et qui ressemblent à s’y méprendre à des Donuts. Danaël raffole de ces fruits donc il n’a pas été difficile de le convaincre.

En entendant cette proposition, il cessa immédiatement de pleurnicher et me regarda avec presque des étoiles dans les yeux et de la bave qui coulait sur ses lèvres inférieures.

Il me convia alors avec intérêt :

« C’est vrai ?! Tu ferais ça ? »

Je soupirai et me demandai sincèrement comment il pouvait passer de l’état le plus triste au monde à celui du plus joyeux, cela a toujours été un mystère pour moi haha.

Je lui affirmai tout en faisant de brefs signes de main pour lui dire de se calmer :

« Oui, promis ! Maintenant, relève-toi avant que tu te fasses réprimander par Astal. Et présente tes excuses à Saryn pour ce que tu lui as dit tant que t’y es ! »

Je l’aidai enfin à se relever puis celui-ci chercha ses mots. En dépit de sa « crise d’ego », il savait pertinemment ce qu’il avait dit de travers et ce qui posait problème ici. Il se frotta ainsi l’arrière de sa tête en prononçant timidement :

« Bon, d’accord... »

« J-je... Désolé de t’avoir dit ça, Saryn. C’est vrai que tu m’as impressionné. »

Celle-ci reprit aussitôt de la couleur. Elle se réjouit de voir que Danaël l’avait finalement remarquée et se mit quelque peu à rougir avant que ce dernier ne finisse en disant bêtement, sur un grand sourire :

« Je suis sûr que tu feras une très bonne garde plus tard ! »

Celle-ci baissa finalement le regard avec désappointement tout en fermant les yeux. Il venait enfin d’admettre ses qualités de combattante, mais le chemin allait encore être long avant que l’idée de son intégration chez les Faucons ne traverse l’esprit conservateur de mon jeune frère...

« Dan... ! » soupirai-je une nouvelle fois tout en penchant ma tête désespérément.

Celui-ci me regarda d’un air crispé, comprenant qu’il venait de dire une autre bourde tout en ne sachant pas laquelle précisément. Il leva ses deux mains à hauteur d’épaules comme pour se justifier puis déclama tel quel :

« Quoi ?! J’ai admis avoir été impressionné par son combat ! »

« Tu veux que je dise quoi de plus ? »

Je le regardai longuement prononcer ces phrases avec son air adroit et innocent, comme s’il ne savait pas ce qui soulevait débat dans sa précédente affirmation. Danaël était en fin de compte très intelligent : réussir à feindre à une telle perfection l’enfant ignorant à son âge relevait de l’art.

Tout de même, et là n’était pas vraiment son point fort ; il pensa que ce qu’il avait dit parviendrait à remonter le moral de la jeune fillette rousse, sachant consciemment que son rêve à elle aussi était d’entrer dans l’Ordre des Faucons d’Argent...

Je ne me laissai pour autant pas faire et suggérai en crevant volontairement l’abcès :

« Et pourquoi pas chez les Faucons d’argent, tiens ?? »

Il me dévisagea d’un air dubitatif, comme si la question que je venais de poser n’avait aucun sens. Ses sourcils s’écartèrent par rapport à eux-mêmes, réaction qui démontrait vraiment le choc de ce que je venais de dire.

Il me répondit du moins, et ce après quelques secondes de réflexion, avec toute l’ironie et la pédanterie qu’il avait pu rassembler au fond de lui tout en gardant son air adroit :

« Tu sais bien que c’est impossible, Tim... Seuls ceux qui sont nés dans une famille prestigieuse comme la nôtre et qui réussissent les épreuves de sélection peuvent prétendre à devenir Faucons d’Argent. Même si les règles sont parfois cruelles, je vous l’accorde, ce sont elles qui nous permettent de garder notre prestige et notre réputation dans les autres Royaumes ! »

« Alors nous devons les appliquer tels de vrais Chevaliers ! » termina-t-il avec entrain.

Je croisai mes bras avec agacement. Cela m’énervait au plus haut point d’entendre de telles paroles venant d’une personne qui était en général aussi altruiste que compréhensive.

Saryn aussi rêvait de marcher sur les traces de son père. Depuis toute petite, elle ne cessait de répéter qu’elle voulait devenir Faucon d’Argent, comme son papa. Elle s’entraînait ardemment malgré son jeune âge et travaillait cinq fois plus qu’un garçon lambda, qui était dès la naissance privilégié.

Son père aussi avait tenté de la décourager, lui répétant qu’elle n’était pas faite pour ce style de vie. Elle n’avait cependant jamais perdu courage et continuait de travailler dans son coin, et force est de constater que son père, réputé pour son caractère buté, avait fini lui-même par céder.

Il lui avait au final offert une chance de faire ses preuves, au même titre qu’un garçon, et de lui prouver qu’elle était digne de changer son destin si telle était sa volonté la plus farouche.

C’est d’ailleurs cette ténacité et cet acharnement qui m’avait laissé admiratif lors de notre première rencontre, et vous pouvez me croire, j’ai rarement croisé la route de personnes comme elle durant toutes nos aventures.

Et en dépit du destin qui semblait être contre elle, j’étais tout de même étrangement serein, persuadé que ses efforts allaient vite avoir raison de cette tradition stupide et misogyne.

Il faut savoir avant toute chose que la force qui avait bâti autrefois les Faucons d’Argent tels qu’ils étaient se reposait sur le courage et sur l’honneur, et Saryn répondait à ses deux critères haut la main !

Quant à moi, si vous vous demandez aussi, je n’ai jamais vraiment été attiré par la voie de la Chevalerie et encore moins par l’Ordre des Faucons d’Argent.

Ironique pour quelqu’un qui est devenu par la suite Chevalier, n’est-ce pas ?

Vous comprendrez par la suite ce qui m’y a poussé.

Saryn baissa après tout une nouvelle fois son regard, comme déçue de la réaction de mon frère. Elle s’y attendait quelque part mais le fait que ces paroles viennent de Danaël l’avait profondément touchée...

Je soupirai enfin en fermant les yeux de manière ironique et en gardant les bras croisés pendant qu’il continuait de faire sa pose de Chevalier modèle :

« Mouais... Tu parles de ces règles que tu n’appliques pas toi-même ? »

Dan sortit alors de son monologue comique et souffla avec une de ses têtes contrariées :

« T’as dit quelque chose ? »

Je répondis à son regard en faisant mine de rien, mettant les mains dans mes poches, regardant le ciel et affirmant naturellement :

« Non non, rien d’important ! Je disais juste qu’il faisait beau aujourd’hui, pas vrai ? »

Danaël regarda mon sourire gêné et plissa des yeux en commençant à se douter de quelque chose...

Saryn, quant à elle, se mit à remettre ses mains sur sa bouche pour contenir le fou rire qui était en train de s’emparer d’elle à nouveau.

Cela mit la puce à l’oreille du garçon à la chevelure dorée, qui se mit une nouvelle fois à bouder. Il commença à se tourner de biais en gonflant ses joues et en croisant ses bras, tout ça pour nous tourner le dos.

Malheureusement... Le Destin, aussi cruel soit-il, décida de s’acharner contre ce pauvre Danaël qui trébucha sur un caillou. Celui-là était solidement enfoncé dans le sol et seule la pointe dépassait.

Si le caillou, solidement enraciné dans le sol, ne bougea pas d’un pouce, ce ne fut pas le cas de Dan qui s’écrasa sur le sol telle une crêpe.

Saryn et moi nous inquiétâmes et tendîmes tous deux une main en avant, en le voyant tomber. Saryn s’approcha encore davantage tout en articulant avec un air affolé :

« Danaël, ça va !? »

Nous le rejoignîmes pour voir si tout allait bien et celui-ci releva enfin sa tête avec des larmes aux yeux. Je constatais bel et bien qu’il voulait pleurer pour de vrai cette fois-ci, mais il savait qu’on l’observait et parvint à se retenir en prenant sur lui.

Au moins, dites-vous que c’était un bon moyen de différencier une vraie douleur d’un chipotage. S’il retenait ses larmes, c’est que quelque chose l’affectait vraiment.

Il prononça à la place sur un ton étouffé pour ne pas qu’on l’entende :

« Aïe... Saloperies de cailloux... ! »

Il nous balança alors pour nous rassurer :

« Ouais, ouais, ça va, nickel ! »

Il se releva de son propre chef, s’essuya ses vêtements comme si de rien n’était avec un calme inhabituel chez lui.

« T’es sûr que ça va, Dan ? » répétai-je pour m’assurer qu’il allait bien.

Celui-ci déclama avec agacement tout en continuant à se frotter pour s’enlever la terre et la poussière sur lui :

« Puisque je vous dis que ça va, vous voyez bien que tout roule ! »

Il reprit sa pose arrogante comme tout à l’heure et énonça avec culot :

« Car après tout, ce n’est pas une petite chute de rien du tout qui va me faire mal ! »

Saryn et moi le regardions à nouveau, les yeux quasiment fermés et nos visages exprimant bien la honte que nous ressentions à ce moment-là. Pourquoi s’entêtait-il à cacher ses larmes et ses blessures de cette manière, vous demandez-vous sans doute ?

Eh bien cela s’expliquait par tous les points que j’ai soulevé en vous présentant Dan, un peu plus tôt.

Pour lui, tout comme pour Ikaël, rien n’était plus important que de devenir comme leur père. Si pour Ikaël cette phrase sonnait de manière plus « réaliste », c’était loin d’être le cas pour Danaël.

Il ne devait en aucun cas montrer ses émotions, ne jamais céder à la douleur (quelle qu’elle soit), ainsi que ne jamais faire preuve de faiblesse en restant fort dans toutes les situations imaginables, comme son père.

Je me rends d’ailleurs compte que je parle beaucoup de notre père depuis le début de cette histoire sans pour autant vous avoir énormément donné de détails sur lui.

Hmm, comment le décrirai-je spontanément ?

Avec un peu de recul, je dirais qu’il était un Homme juste. Un Homme foncièrement altruiste, qui n’hésitait pas à faire le bien autour de lui, quitte à se blesser. Il était toujours souriant, toujours de bonne humeur et savait parfaitement faire preuve d’humour, même dans les pires situations.

Dan et Ikaël n’étaient pas les seuls à l’avoir pris comme modèle. Tous les Faucons aspiraient à devenir comme lui, le plus grand Homme que l’Ordre n’ait jamais connu.

Son leadership n’avait cependant rien à voir avec son rang et sa stature. Il imposait le respect et la bienveillance à tous ceux qu’il rencontrait par ses valeurs, par son caractère très « déconnecté » ainsi que par sa détermination.

Enfin bref, son titre et sa réputation élogieuse dans tout Larbos n’étaient pas sorties de nulle part, vous vous doutez bien.

Et vous devez bien aussi vous douter que sa réputation ne s’est pas faite dès sa naissance, pas vrai ?

Le principal concerné ne cessait pourtant de nous répéter, depuis que nous étions tous petits, qu’il avait pour habitude d’être une personne modeste, sans histoires ni spécificités particulières (excepté ses origines). Il concédait bien que les autres Chevaliers voyait en lui un modèle, une source d’inspiration, mais cela ne relevait en rien selon lui d’un caractère « héroïque » qu’on lui attribuait dorénavant.

Certaines personnes ne comprenaient pas ce qui pouvait le repousser dans une posture si prestigieuse, Danaël le premier. Celui-là jalousait au contraire sa situation et rêvait de connaître le même succès. Il voulait être connu à tout prix et imaginait déjà sa réputation se propager dans le monde entier, telle une étincelle.

Il ne voyait pourtant nullement cette ambition comme un étalement de son ego. Il visualisait en lieu et place de cela une vie passée à rendre service, à parcourir le monde et à apprendre à connaître tous les habitants et habitantes qui le peuplent. Il voulait simplement en fin de compte être quelqu’un d’important, comme beaucoup d’entre vous le souhaiteraient sans doute.

C’était principalement sa manière de dire à autrui qu’il voulait devenir un héros qui le faisait passer pour un jeune garçon naïf, dénué de toute notion de « conséquences » et de « responsabilités » que ce terme impliquait inéluctablement.

Notre père, si bon enfant, ne cessait d’éclater de rire en étant témoin de la fougue bouillonnante et de la force d’esprit inébranlable qui provenait pourtant de son fils le plus idéaliste, le plus rêveur. Il répondait à cela, encore et toujours, que son temps viendra bien assez tôt et que sa renommée sera incontestable, quand bien même elle ne serait pas comme il l’espérait.

Il y avait bien aussi une autre phrase, courte mais curieuse, qu’il ne cessait de lui dire sur un ton fier :

« Danaël, mon fils... Une destinée hors du commun t’attend, n’en doute jamais. »

J’ai toujours pensé qu’il répétait ça pour canaliser l’impatience et l’énergie débordante de mon Frère. Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de sourire quant au sens profond qu’il avait voulu lui insuffler...

J’ai pour ma part toujours trouvé que Danaël en faisait trop et ai toujours essayé de le convaincre de vivre sa vie d’enfant, qu’il aurait tout le temps nécessaire de profiter de sa vie d’adulte lorsque celle-ci sera venue. Néanmoins, voir un enfant de son âge vouloir à ce point-là apporter son aide au monde et se dévouer pour sa cause force implacablement le respect.

De plus, son amour infaillible pour son père et son rêve de devenir comme lui était si touchant qu’il m’y était impossible d’aller à contre-courant...

Saryn et moi le regardions alors prendre le melon sans rien dire avant de voir quelque chose ou plutôt quelqu’un qui allait le faire redescendre sur Alysia.

Ce quelqu’un n’était personne d’autre qu’Astal, qui venait d’apparaître dans le coin sud-est de la maison en rappliquant par de grandes enjambées dynamiques.

Saryn et moi prîmes un air affolé, cherchant à prévenir Danaël du regard mais ce crétin avait les yeux fermés pendant qu’il se la jouait en s’essuyant comme si de rien n’était.

Astal arriva alors derrière Danaël. Elle se tenait maintenant là, positionnée juste derrière celui qui allait sans doute passer le plus mauvais quart d’heure de sa vie. Elle venait de lâcher les prises qu’elle tenait sur sa robe lorsqu’elle se déplaçait, et s’apprêtait en définitive à saisir de toute sa force Danaël.

Il était dorénavant trop tard, ce pauvre garçon était condamné...

 

Et c’est ainsi que se termine ce deuxième chapitre d’ « Entre Amour et Devoir » !

Pressé.e.s de découvrir à quelle sauce Danaël va être mangé ?

Je peux déjà de bonté de cœur vous donner un indice : la puissance avec laquelle Astal reprit Danaël fut si violente que ce dernier s’en rappelle aisément, même aujourd’hui haha !

Allez, sur ces bons souvenirs, je vous dis à très bientôt !