Chapitre 9 : Effets sur le groupe
Le lycée Saint-Maurice semblait soudain s’être transformé en un théâtre silencieux pour Shimy. Autour d’elle, les rires et conversations des élèves faisaient comme un bruit lointain, filtré par sa concentration. Chaque mouvement, chaque parole de Shun-Day passait au crible de son esprit analytique. La jeune fille se tenait à l’écart, dos contre le mur d’une salle vide, bras croisés, observant la manœuvre délicate mais implacable de la nouvelle élève qui, d’un sourire, semblait envoûter tout le monde.
Shun-Day évoluait parmi les élèves avec une aisance déconcertante. Son rire, léger et parfaitement dosé, captait l’attention, ses paroles s’infiltraient dans l’esprit de ses camarades comme un murmure hypnotique :
– Tu sais, je crois que tout le monde serait plus… heureux si on faisait un petit effort pour s’entendre.
Jadina, debout non loin, ferma un instant les yeux, un léger froncement de sourcils sur le visage. Elle ne pouvait nier que Shun-Day avait ce charisme magnétique. Et Danaël, à quelques pas, observait silencieusement, ses poings légèrement crispés dans ses poches. Il sentait une gêne étrange, un petit avertissement au fond de lui, mais il n’arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui clochait. Même Gryf, habituellement impulsif, semblait intrigué par la vivacité de Shun-Day, son sourire habituel se faisant plus rare, plus incertain.
Shimy, elle, ne pouvait se tromper. Chaque mot de Shun-Day était calibré, chaque geste minutieusement choisi. Sa présence semblait douce, presque chaleureuse, mais Shimy savait lire derrière le masque. Les manipulations n’étaient pas flagrantes pour le commun des mortels, mais pour elle, elles brillaient comme des flammes au milieu de l’ombre.
Elle se mordit la lèvre et souffla doucement, essayant de calmer la colère qui montait :
– Ils ne voient rien… et ils ne veulent pas voir. Même Danaël… même Jadina…
Le midi avançait, et Shimy restait silencieuse, mais son esprit ne s’arrêtait pas une seconde. Elle observait Gryf, qui riait avec Shun-Day, se laissant séduire malgré lui par son humour, son sourire, ses gestes calculés. Son cœur se serra ; ce n’était pas une question d’amour, mais de danger. Gryf n’avait aucune idée de ce qui se jouait, et Shimy savait que si personne n’agissait, la situation allait dégénérer.
Elle nota mentalement chaque détail : la façon dont Shun-Day penchait légèrement la tête lorsqu’elle parlait à Danaël, l’éclat subtil de ses yeux lorsqu’elle lançait une remarque qui semblait anodine mais qui semait la confusion. Shimy comprit que la nouvelle élève avait déjà pris le contrôle, doucement, insidieusement, et que chaque sourire qu’elle distribuait n’était qu’une pièce sur l’échiquier.
– Très bien, murmura Shimy pour elle-même, si je dois protéger ce groupe… je le ferai seule.
Alors que les autres semblaient captivés par Shun-Day, Shimy sentit un mélange de frustration et de colère bouillir en elle. Elle avait essayé d’alerter Danaël et Jadina plus tôt, mais ils avaient trouvé qu’elle exagérait, qu’elle voyait le mal là où il n’y en avait pas. Cette pensée l’irrita profondément. Même ses amis proches n’étaient pas capables de la suivre dans sa lucidité.
Dans la cour, Shun-Day continuait son ballet. Elle se pencha vers un groupe d’élèves timides, sourit, posa une main légère sur l’épaule d’un garçon, et murmura des mots qui semblaient anodins, mais qui pénétraient leur esprit comme une caresse subtile. Shimy, à l’écart, serra les poings et se força à rester silencieuse, consciente que toute réaction impulsive trahirait sa présence.
– Je ne me laisserai pas distraire. Je ne laisserai personne tomber sous son influence.
Les heures passèrent, et Shimy continuait à analyser le moindre micro-geste, la plus petite inflexion. Elle nota que Shun-Day gagnait la confiance de Jadina, de Gryf, de Danaël, et même de certains élèves qu’elle ne connaissait que de vue. Chaque sourire distribué, chaque mot doux, chaque geste d’attention semblait inoffensif pour les autres, mais Shimy percevait le calcul derrière chaque mouvement.
Elle s’isolait davantage. Chaque tentative de rejoindre le groupe se soldait par un silence gêné ou des regards esquivés. Même Razzia, qui comprenait souvent ses observations, n’était pas toujours là pour la soutenir. La solitude devenait sa force. Dans le calme de sa propre vigilance, elle pouvait réfléchir, anticiper et planifier.
– Je dois être plus rapide qu’elle, plus subtile… plus invisible. Et si personne ne peut m’aider… alors je ferai tout moi-même.
Assise sur un rebord de fenêtre, Shimy sortit son carnet noir et écrivit avec précision :
Chaque sourire de Shun-Day est une arme. Chaque geste est un piège. Je dois rester dehors, observer, attendre. Ils ne voient pas encore… mais je dois agir avant qu’il ne soit trop tard.
Elle leva les yeux vers le groupe, notant la tension subtile dans les gestes de Danaël et Gryf. Jadina, malgré elle, semblait charmée, troublée. Shimy sentit une pointe de tristesse : même ceux qu’elle aimait et respectait étaient tombés dans le piège de Shun-Day. Mais cette tristesse se transforma rapidement en détermination.
– Si je dois agir seule, je le ferai. Et quand le moment sera venu, je serai prête.
À la fin de la journée, alors que les élèves quittaient progressivement la cour, Shimy resta là, silencieuse, observant Shun-Day et le reste du groupe. Encore. Elle se sentait isolée, mais chaque détail qu’elle avait accumulé était une arme. Sa solitude, sa vigilance et sa lucidité devenaient son atout le plus précieux.
Dans ce silence presque total, Shimy se fit une promesse silencieuse : elle protégerait ses amis, même s’ils ne pouvaient pas voir le danger, même si elle devait tout faire seule. Et au fond d’elle, elle savait que cette promesse serait le moteur qui guiderait ses actions dans les jours à venir.
Le lycée était un champ de bataille invisible, et Shimy venait de comprendre qu’elle en serait le seul stratège capable de prévoir chaque mouvement, chaque ruse.
_______________
JE SAIS que je tourne autour du pot mais que voulez vous je débute un peu 🥲