Chapitre I
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« Nous arrivons à Poudlard dans cinq minutes. Veuillez laisser vos bagages dans les compartiments, ils seront acheminés séparément dans les locaux scolaires. »
Lorsque le train s'arrête tout à fait à la gare de Pré-au-Lard – le seul village sorcier aux alentours de Poudlard –, tout le monde se précipite vers la sortie et descend sur un quai minuscule plongé dans la pénombre. L'air frais de la nuit me fait frissonner. Qu'il était bon de pouvoir se dégourdir les jambes après un après-midi entier de trajet en train ! Mais j'ai beau chercher aux alentours, je ne vois aucun moyen de transport qui serait chargé de nous accompagner jusqu'à Poudlard... Une lampe se balance soudain au-dessus de nos têtes, et une voix grave tonne :
« Les première année, par ici. »
Tous ont un mouvement de recule. Un véritable géant, au visage presque entièrement caché par une longue crinière de cheveux emmêlés et par une barbe broussailleuse, se tenait juste derrière moi, plus grand qu'un homme normal et cinq fois plus large.
« Les première année sont tous là ? demande-t-il en scrutant le fond de la rangée des jeunes sorciers agités. Bien. Je suis Rubeus Hagrid, gardien des clefs et des lieux de Poudlard. Allez, suivez-moi. Et faites attention où vous mettez les pieds ! »
Glissant et trébuchant, nous suivons le géant le long d'un chemin étroit qui s'enfonce dans l'obscurité. Plus personne ne parlait, désormais, et je devine facilement que nous nous trouvons dans une forêt, au vu des arbres sombres et touffus qui masquent le ciel.
« Vous allez bientôt apercevoir Poudlard, dit Hagrid en se tournant vers nous. Au prochain tournant. »
Nous continuons d'avancer quand j'entends soudain Jadina, qui se tient devant moi, pousser un « Oooooh ! », bientôt imitée par les autres première année.
En m'avançant la dernière, le spectacle me coupe le souffle. L'étroit chemin débouche sur la rive d'un vaste lac noir. Perché au sommet d'une petite falaise, un immense château hérissé de tours pointues se reflétait dans l'eau, étincelant de toutes ses fenêtres. Au bord de la rive, une dizaine de barques nous attendent, et ce doit être notre moyen de transport jusqu'au château, puisque Hagrid monte le premier dans l'une d'entre elles.
« Pas plus de quatre par barque, lançe-t-il.
Jadina et moi, nous nous sommes retrouvées dans une barque avec deux autres premiers année.
« Tout le monde est casé ? crie Hagrid aux retardataires, qui s'empressent de monter à leur tour. Alors, allons-y ! »
D'un même mouvement, les barques glissent sur l'eau, comme si elles répondaient à un signal silencieux. Tandis qu'elles avancent lentement sur l'eau noire aussi lisse que du verre, je jette un coup d'œil à nos deux camarades de barque. Ce sont tous deux des jeunes hommes, l'un roux et l'autre blond. Le rouquin est de grande taille, et, au vu de sa carrure, ça doit être un sportif. L'autre est grand, plus grand que le premier même, et ses épaules sont larges. Ses cheveux blonds sont mi-longs, et ses mèches tombent sur ses yeux bleu sombre. Il est plutôt beau, pour son âge, mais je n'aime pas vraiment la façon dont Jadina le fixe depuis notre arrivée à Pré-au-Lard. Et d'ailleurs, j'ai bien l'impression que même s'il n'en laisse rien paraître, ce type l'a sûrement remarqué, lui aussi.
La voix grave de Hagrid me tire de mes pensées :
« Nous arrivons. Baissez la tête » conseille-t-il aux plus grands d'entre nous.
Les barques traversent alors un rideau de lierre qui masquait une large ouverture dans le roc. Elles nous emportent le long d'un tunnel sombre qui semble nous mener à l'intérieur du château. Nous débouchons alors dans une sorte de crique souterraine et sautons à terre, sur un sol rocheux et couvert de galets.
Guidés par la lampe de Hagrid, nous grimpons le long d'un passage creusé dans la falaise et arrivons enfin sur un vaste terrain humide et couvert de pelouse. Nous montons à la volée les marches de pierres qui nous mènent à une immense porte. Ce doit être l'entrée, j'imagine.
« Tout le monde est là ? demande Hagrid en nous parcourant rapidement du regard un par un. Toi, là-bas, arrête d'embêter ta camarade ! Oui, je te vois. »
En me tournant, je vois qu'il parle du jeune rouquin qui était avec nous dans la barque. Il s'amusait à déposer des petites boules noires, semblables à des billes, dans les cheveux d'une jeune fille rousse. En se faisant dénoncer, il met les mains dans ses poches et rejoint le groupe de garçons au fond du rang, qui ricanent à son arrivée.
Alors, Hagrid lève son énorme poing et frappe trois fois à la porte du château.
Et elle s'ouvre immédiatement. Dans l'encadrement se tient une sorcière mince et de grande taille, vêtue d'une longue robe vert émeraude. Ses cheveux sont attachés en un chignon serrés, ses lèvres sont pincées et ses yeux encadrés par de petites lunettes carrées. Elle doit être du genre qu'il vaut mieux ne pas contrarier, j'imagine.
« Professeur McGonagall, voici les élèves de première année, dit Hagrid en inclinant légèrement sa grosse tête hirsute.
— Merci Hagrid, répond la sorcière en nous faisant signe de nous rapprocher. Suivez-moi. »
Le hall d'entrée du château est vraiment immense. Des torches sont accrochées aux murs et face à eux, un somptueux escalier fait de marbre nous permet de monter les étages.
Le professeur McGonagall nous guide à travers une petite salle réservée aux première année. J'entends d'ici une centaine de voix venant d'une immense porte située à ma droite. Ce doit sûrement être les autres élèves, et rien qu'à cette pensée, je me sens déjà angoissée. Et puis, le lieu est si petit que l'on doit tous se serrer, or le grand blond qui partageait notre barque se trouve si près de Jadina que ça me met hors de moi. Mais McGonagall ne semble en rien dérangée et s'adresse à nous d'une voix claire et posée.
« Bienvenue à Poudlard. Le banquet de début d'année va commencer, mais avant que vous ne preniez place dans la Grande Salle, vous serez répartis dans différentes maisons. Vous devez savoir que tout au long de votre séjour à l'école, votre maison sera pour vous comme une seconde famille. Vous y suivrez les mêmes cours et partagerez le même dortoir. Les maisons sont au nombre de quatre. Elles ont pour nom Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle et Serpentard. Chaque maison a sa propre histoire, sa propre noblesse, et chacune a formé au cours des années d'excellents sorciers et sorcières. » Elle marque une pause pour nous regarder attentivement les uns après les autres. « Pendant votre séjour à Poudlard, chacune de vos bonnes actions rapporteront des points à votre maison, tandis que chacune de vos infractions aux règles communes lui en feront perdre. À la fin de l'année scolaire, la maison qui aura obtenu le plus de points remportera la coupe des Quatre Maisons, et c'est un immense honneur. Aussi j'espère que chacun et chacune d'entre vous aura le cœur à bien servir sa maison, quelle qu'elle soit. »
Personne ne parle, mais nous hochons la tête.
« Allons-y, à présent, dit le professeur McGonagall. La cérémonie va commencer. »
Elle nous guide alors de nouveau à travers le hall, puis nous franchissons les portes de la Grande Salle.
L'endroit est étrange, mais absolument magnifique. Des milliers de chandelles et de bougies flottaient au-dessus de nos têtes, éclairant quatre longues tables autour desquelles les autres élèves sont déjà assis. Au bout de la salle, les professeurs ont pris place derrière une autre table qui parcourt la salle d'un bout à l'autre. Je me demande surtout comment nous faisons pour ne pas avoir froid. En septembre, il fait frais, le soir, mais là pourtant, en levant les yeux, je distingue nettement le ciel noir parsemé d'étoiles que j'ai aperçu dehors. J'entends une jeune fille de première année murmurer à sa voisine :
« C'est un plafond magique, il ressemble exactement au ciel pour que l'on ait l'impression que la salle soit à ciel ouvert. J'ai lu cela dans " l'Histoire de Poudlard ", un livre qui traite sur le passé passionnant de l'école. »
Lorsque je reporte mon attention sur ce qu'il se passe devant moi, le professeur McGonagall installait un tabouret à quatre pieds devant nous. Elle pose sur lui un vieux chapeau sale et rapiécé, qui a plus l'air d'être un vieux bout de chiffon. Nous portons notre attention sur lui, désormais, et je me demande avec angoisse quels genre de tests ils nous feraient passer pour que nous nous dispersions dans chacune de nos maisons. Alors, une déchirure s'ouvre près du bord du chapeau, comme une bouche, et il se met à chanter :
Je n'suis pas une beauté suprême
Mais faut pas s'fier à ce qu'on voit
Je veux bien me manger moi-même
Si vous trouvez plus malin que moi.
Les hauts-d'formes, les chapeaux splendides
Font pâle figure à côté de moi
Car à Poudlard, quand je décide,
Chacun se soumet à mon choix.
Rien ne m'échapp' rien ne m'arrête
Le Choixpeau a toujours raison
Mettez-moi donc sur votre tête
Pour connaître votre maison.
Si vous allez à Gryffondor
Vous rejonidrez les courageux,
Les plus hardis et les plus forts
Sont rassemblés en ce lieu.
Si à Poufsouffle vous allez,
Comme eux vous s'rez juste et loyal
Ceux de Poufsouffle aiment travailler
Et leur patience et proverbiale.
Si vous êtes sages et réfléchis
Serdaigle vous accueillera peut-être
Là-bas, ce sont des érudits
Qui ont envie de tout connaître.
Vous finirez à Serpentard
Si vous êtes plutôt malin,
Car ceux-là sont de vrais roublards
Qui parviennent toujours à leur fin.
Sur ta tête pose-moi un instant
Et n'aie pas peur, reste serein
Tu seras entre de bonnes mains
Car je suis un chapeau pensant !
Des applaudissements éclatent de toute la salle lorsqu'il termine sa chanson. Il s'incline pour saluer les élèves assis aux quatre tables, puis s'immobilise de nouveau.
« Il suffit juste de porter ce chapeau ? murmure Jadina à mon oreille. J'ai bien envie de savoir dans quelle maison je me retrouverai... »
Elle regarde un bref instant le grand blond qui se tient à côté d'elle, silencieux. Le professeur McGonagall déroule un long parchemin et dit :
« Quand j'appellerai votre nom, vous mettrez le chapeau sur votre tête et vous vous assiérez sur le tabouret. Je commence : Arbores, Regen ! »
Une fille au teint rose sort du rang et redresse ses petites lunettes. Je me souviens que c'est elle qui avait parlé du plafond magique, un peu plus tôt. Elle met le chapeau sur sa tête, qui tombe devant ses yeux.
« SERDAIGLE ! » crie le chapeau après un instant de silence.
Des acclamations et applaudissements s'élèvent de la table située à gauche et Regen s'y dirige à petits pas pressés, accueillie des autres étudiants de Serdaigle, qui lui tendent la main. Lorsque le silence revient, McGonagall continue son appel.
« Christa, Galatée !
— SERPENTARD ! » crie de nouveau le chapeau.
Galatée vient prendre place avec les autres Serpentard en poussant insoucieusement Jadina au passage, tandis que McGonagall appelle une jeune fille du nom de Solaris, qui est envoyée à Gryffondor.
« Faucon, Saryn !
— GRYFFONDOR ! » crie encore le chapeau.
Saryn descend du tabouret pour rejoindre la table des Gryffondor, sous les applaudissements de ses nouveaux camarades. Le professeur McGonagall appelle encore Michi, Gan, envoyé à Serdaigle, puis une certaine Shun-Day, qui rejoint les Serpentard.
« Jaguarys, Gryfenfer ! »
Il sort du rang pour poser le chapeau sur sa tête. En plissant les yeux, je me rends compte qu'il s'agit du rouquin farceur, qui avait prit place dans notre barque.
« GRYFFONDOR ! » s’exclame le chapeau après avoir à peine effleuré le haut des cheveux de Gyfenfer.
En descendant, celui-ci s'arrête pour serrer dans un geste amical la main de son ami blond, qui lui rend son geste, toujours silencieux.
« Koléana, Shimy ! » appelle alors le professeur McGonagall.
Je suis tellement plongée dans mes pensées que j'en ai oublié mon propre tour. Je m'avance, un peu chancelante, angoissée. Où le chapeau me mettrait-il ? Pas avec ce Gryfenfer insupportable, j'espère.
« Hum... fait le chapeau, petite voix dans ma tête. Tu es intelligente, mon enfant, mais tu es tout aussi avide de faire tes preuves... Où vais-je te mettre... Je sais, GRYFFONDOR ! » finit-t-il par clamer.
Zut ! Après avoir posé le chapeau, je rejoins la table des Gryffondor, où les autres élèves m'accueillent à bras ouverts, en me tendant la main. Et comme par hasard, la seule place de libre se trouve juste à côté de Gryfenfer...
« Salut ! On s'est vu dans la barque, tout à l'heure, non ? dit-il sur un ton amical. Au fait, je m'appelle Gryfenfer, mais appelle-moi Gryf.
— Shimy. Je m'appelle Shimy », répondis-je sur un ton détaché, en détournant la tête.
Le professeur McGonagall finit d'appeler un certain Samaël, envoyé, lui aussi, à Gryffondor. Il s'installe à côté de Gryf et tous deux se serrent la main comme des frères.
« Larbos, Danaël ! »
Le grand blond sort du rang et vient poser le chapeau se sa tête.
« GRYFFONDOR ! crie aussitôt celui-ci.
Quand il rejoint ses nouveaux camarades, les jeunes filles de Gryffondor s'empressent de faire une place et de s'aglutiner autour de lui pour se présenter. Il soupire en s'affalant sur la table, exaspéré. Et même grimaçant, il m’énerve tant il est beau ! Et Jadina qui le regarde avec envie depuis le centre de la salle...
« Orchidia, Jadina ! »
Je la fixe tout en priant pour qu'elle me rejoigne à Gryffondor, même si la voir tourner autour de ce blondinet innocent me répugne. Elle s'avance d'un pas mal assuré vers le tabouret, puis pose le chapeau sur sa tête. Celui-ci met un long moment pour se décider, avant de s'écrier :
« SERDAIGLE ! »
Je la regarde se faire serrer la main par ses nouveaux camarades, déçue. Et en regardant autour de moi, je sens que je ne survivrai pas à cette année scolaire...
Le professeur McGonagall finit son appel sur un certain Sabledoray, Halan, qui rejoint les Serpentard.
Alors que les discussions vont bon train, le vieil homme assis au centre de la table des enseignants se lève. Il a une longue barbe blanche qui lui arrive à la taille, des yeux bleus encadrés par de petites lunettes en demi-lunes et porte une tunique roux foncé brodée de fils d'or. Il s'agit sans doute du professeur Albus Dumbledore, le directeur de Poudlard, puisqu'au moment où il agite la main, le silence s'installe dans la salle. D'une voix chaleureuse, il annonce :
« Bienvenue, bienvenue à tous pour une nouvelle année à Poudlard. Avant que vous ne preniez part au banquet, j'aimerais dire quelques mots. Les voici : Nigaud ! Gras-double ! Bizarre ! Pinçon ! Je vous remercie ! »
Tous applaudissent avec des cris de joie. Je tousse, embarrassée. Je me tourne vers une élève plus âgée de Gryffondor et lui demande :
« Est-il... fou ?
— Fou ? C'est le plus grand sorcier du monde ! » me répond-t-elle. « Un peu de pommes de terre ? »
Sa proposition me laisse abasourdie. Puis, en contemplant ma propre assiette, je reste bouche bée. Les plats disposés sur la table sont désormais remplis de victuailles : poulet, côtelettes de porc, lard, saucisses, frites, steak, légumes divers... Il y a vraiment de tout, et je ne sais pas à quand remonte mon dernier repas. A côté de moi, Gryf n'hésite pas et prend de tout, tout en dévorant des cuisseaux de poulet. En face de moi, Blondinet semble ne pas avoir d'appétit – ce qui est compréhensible, quand on est entouré d'une telle foule de jeunes sorcières jacassantes. Au fond je ressens un peu de pitié pour lui... Mais il me suffit d'un regard derrière lui pour me rendre compte que Jadina l'observe avec assistance, ce qui met hors de moi. Oui, je sais, j'en veux plus à Blondinet qu'à elle, mais je n'y peux rien si je ne l'aime déjà pas...
Je chasse cette pensée de mon esprit et poursuit mon dîner. Demain, il y a cours de sortilège avec les Serdaigle, songe-je. C'est déjà ça...
Demain ! Mes premiers cours au collège Poudlard. Voilà qui m'allège l'esprit, et j'ai vraiment hâte de commencer.