Chapitre 3 : Moments intimes et vulnérabilité
Le lycée Saint-Maurice était encore baigné par la lumière douce d’un après-midi d’automne. Les couloirs résonnaient des bruits de chaussures sur le carrelage, des rires, des chuchotements et des portes qui claquaient derrière les élèves pressés. Danaël avançait d’un pas calme mais assuré, observant les groupes d’élèves s’agglutinant par affinités et petits clans.
 
Il repéra un garçon de seconde, visiblement perdu, ses cahiers éparpillés sur le sol comme une tempête.
 
– Hé… ça va ? demanda Danaël en s’accroupissant.
– Euh… je… je crois… répondit le garçon en relevant timidement les yeux.
Danaël sourit doucement.
– Laisse-moi t’aider. Ce n’est pas une honte d’avoir besoin d’un coup de main.
 
Pendant que Danaël ramassait les cahiers et les classait avec précision, Jadina l’observait de loin, cachée derrière un pilier. Son regard alternait entre admiration et une légère frustration. Elle connaissait ce côté protecteur de Danaël, sa façon d’absorber la responsabilité des autres comme si rien ne pouvait le toucher.
 
– Il est… incroyable, pensa-t-elle, et… pourquoi est-ce que je ressens ça ? murmura-t-elle à elle-même, la voix étouffée par le bruit du couloir.
 
À quelques mètres, Shimy s’était installée sur un banc près de la bibliothèque. Carnet noir ouvert sur les genoux, elle griffonnait des notes tout en observant chaque mouvement du groupe, chaque interaction. Son regard se posa sur Shun-Day, qui avançait dans le couloir avec cette assurance calculée, sourire légèrement en coin, yeux toujours attentifs à la dynamique des autres.
 
– Il y a quelque chose qui cloche… murmura Shimy, le stylo figé au-dessus du carnet.
 
Halan, cheveux vert pomme impeccablement coiffés, s’approcha de Danaël. Son allure était confiante, presque arrogante, et son sourire parfaitement étudié.
 
– Alors, héros de service… toujours prêt à sauver le monde ?
– On fait juste ce qu’il faut, répondit Danaël calmement, sans lever la voix.
 
Gryf, fidèle à lui-même, bouillonnait de l’intérieur, prêt à répliquer. Ses yeux roux brillaient d’une malice contenue. Avant qu’il ne puisse intervenir, Danaël posa sa main sur son épaule.
 
– Laisse tomber… pour l’instant.
 
Shimy, de son banc, suivait toute la scène. La jalousie, la protection, le contrôle… tout était là, visible à qui savait regarder. Elle fronça les sourcils, notant mentalement que Halan était prêt à tout pour déstabiliser Danaël.
 
Peu après, dans le hall, une silhouette grande et timide s’avança vers Jadina. Ténébris, la demi-sœur de Jadina, observait la scène avec hésitation, serrant ses mains dans ses manches.
 
– Salut...
Jadina se tourna, sourire chaleureux, et fit un geste pour l’inviter à s’approcher.
– Ténébris ! Je suis contente que tu sois là. Tu veux te joindre à nous ?
Ténébris acquiesça, un peu nerveuse mais loyale. Ses yeux brillaient d’admiration pour Jadina, et Shimy nota que cette relation pouvait renforcer la cohésion du groupe, mais la rendre vulnérable aux manipulations.
 
Gryf, incapable de rester calme très longtemps, s’approcha de Shimy, assis sur le banc à côté d’elle.
 
– Bah… t’es seule ? T’as peur de quoi ?
– T’as pas idée… répliqua Shimy, les yeux rivés sur son carnet.
– Allez, raconte… je parie que t’observes encore tout le monde, lança-t-il avec un sourire provocateur.
– Peut-être… mais je fais pas que regarder. Je comprends.
 
Samaël, cheveux turquoise tombant légèrement sur les yeux, arriva à son tour. Il s’assit doucement en face de Shimy.
 
– Tu penses trop, Shimy. Mais c’est bien, tu vois des choses que les autres ignorent.
– Oui… je vois, et j’analyse. Mais ça devient compliqué, tu sais…
– Je sais. Parfois, parler à quelqu’un qui comprend aide.
 
Shimy inspira profondément. Pour la première fois depuis le début de l’après-midi, elle sentit un peu de légèreté. Les tensions du groupe, les manipulations de Shun-Day, la jalousie d’Halan… tout semblait lointain, juste pour un instant.
 
Pendant ce temps, Danaël continuait d’aider le garçon de seconde à ranger ses affaires.
 
– Merci… je… je savais pas comment faire tout seul, dit le garçon, un peu rouge de gêne.
– C’est normal. Tout le monde a besoin d’un coup de main parfois. Et si tu veux, je peux te montrer quelques trucs pour t’organiser.
 
Jadina observait de nouveau Danaël, cette fois d’un peu plus près, et sentit ses sentiments se brouiller entre admiration et désir de le protéger elle-même.
 
– Pourquoi est-ce que je ressens ça ? murmura-t-elle à voix basse, ses doigts jouant nerveusement avec un bracelet.
 
Ténébris, debout à côté d’elle, la regarda avec des yeux grands et attentifs.
 
– Jadina… je… je te remercie, dit-elle doucement.
– Merci… tu sais, tu n’as pas à me remercier. Tu es ma demi-sœur, et je suis contente que tu sois là.
 
Plus tard, à la cantine, le groupe se dispersa autour des tables. Les rires et bavardages formaient un brouhaha constant. Halan, fidèle à lui-même, chercha à s’imposer.
 
– Alors, Danaël… toujours le centre de l’attention ?
– Juste le nécessaire, répondit Danaël avec calme, mais fermeté.
Gryf, déjà sur les nerfs, fit un pas vers Halan, poings légèrement serrés.
– T’as pas intérêt à l’énerver, toi…
– Doucement, Gryf, murmura Danaël en posant une main sur son épaule.
 
Shimy, assise à une table un peu à l’écart, observait la scène. Son carnet noir était rempli de notes sur les interactions, les alliances et les tensions. Elle savait que Shun-Day n’était jamais loin, toujours prête à profiter de la moindre faiblesse.
 
– Il faut que je fasse attention… pensa-t-elle, mais je ne laisserai pas passer ses manipulations.
 
La sonnerie retentit, annonçant le retour en classe. Chacun se leva, reprenant ses affaires et se dirigeant vers les couloirs ou les escaliers. Les élèves se pressaient, certaines conversations fusant dans toutes les directions.
 
Gryf et Danaël échangèrent un bref regard. Pas besoin de mots : l’un et l’autre savaient qu’ils devaient rester attentifs, protéger leurs amis, et garder la cohésion du groupe malgré les tensions.
 
Shimy, quant à elle, rangea son carnet et suivit le mouvement, son esprit déjà en train de planifier, de surveiller et de réfléchir. La guerre silencieuse contre Shun-Day venait à peine de commencer.